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Patrimoine 23/11/2021

Peut-on échapper aux impôts locaux ?

En recevant nos avis d'imposition, nous avons été nombreux à nous demander s'il n'existait pas de dispositifs pour en atténuer le coût. Hérités de la Révolution, les impôts locaux brillent par leur présence en tête des comparatifs internationaux, c'est une spécialité française. En 2017, la taxe foncière représentait 1,4% du produit intérieur brut (PIB) français alors que les impôts de même nature ne représentaient que 0,3% du PIB allemand.

I. La taxe foncière 

En matière de taxe foncière, peu de dispositifs permettent d'obtenir une dispense ou une réduction. Nous noterons néanmoins les mesures en faveur des logements neufs, des personnes âgées disposant de revenus faibles ou encore des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). 

Pour les autres, une once d'espoir est permise par l'article 1389 du code général des impôts. Il permet un dégrèvement d'imposition de la taxe foncière et de la taxe d'ordures ménagères en cas de vacance ou d'inexploitation lorsque les trois conditions suivantes sont remplies : 
- est indépendante de la volonté du contribuable ;
- dure 3 mois au moins ;
- affecte soit la totalité de l'immeuble, soit une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée.

La première condition est celle qui suscite le plus de débat, le Conseil d'État a récemment eu l'opportunité de revenir sur ce critère. Dans l'affaire en question, des contribuables entendaient se prévaloir de l'article 1389 au motif que l'insécurité dans laquelle était plongé le quartier où se trouvait l'immeuble le rendait inexploitable, indépendamment de la volonté des propriétaires.
Le Conseil d'Etat déboute les propriétaires. Pour la haute juridiction administrative, le simple fait que des logements soient loués au sein de l'immeuble caractérise le fait que l'inexploitation n'est pas indépendante de la volonté du contribuable. 

Pour l'application de cette condition, l'attention du Conseil d'État se porte essentiellement sur les démarches accomplies par le propriétaire afin de prévenir l'inexploitation de son bien. L'interprétation du juge est extrêmement restrictive, particulièrement en matière d'immeuble résidentiel : l'état de dégradation prononcé d'une copropriété n'est pas suffisant par exemple.

Les rares cas d'applicabilité de ce dégrèvement concernent les locaux commerciaux qu'une entreprise possède et qu'elle ne pourrait exploiter pour une raison extérieure : grève, chômage...

Ainsi, il semblerait que l'article 1389 soit un mirage fiscal pour celui souhaitant éviter la taxe foncière. L'espoir est donc déçu. 


II. La taxe d'habitation 

L'article 1407 du CGI prévoit que la taxe d'habitation est due « Pour tous les locaux meublés affectés à l'habitation ». Notons que le fait générateur de la taxe d'habitation consiste à satisfaire les conditions de l'article précité au premier janvier de l'année d'imposition. Il s'agit donc d'une date clef. L'espoir pourrait renaître. 

Ainsi, tout logement inoccupé et vide de meubles au premier janvier peut faire l'objet d'une exonération de taxe d'habitation. Cela peut-être le cas d'un logement vacant, par exemple un bien mis en vente dont les occupants ont déménagé. Afin de bénéficier d'un dégrèvement, il suffira d'envoyer une demande avec accusé de réception au centre des impôts dont dépend le bien. 

Bien entendu, il appartient au contribuable de prouver que le logement est inoccupé et vide. A ce titre, un état de lieux de sortie d'un locataire, des consommations d'énergie faibles ou nulles, un mandat de mise en vente et une facture de déménagement pourront prouver l'inoccupation du bien au premier janvier. Éventuellement, si ces preuves sont faibles ou ne peuvent être réunies, un constat d'huissier permettra de sécuriser le dégrèvement. Cette intervention sera souvent moins coûteuse que le paiement de la taxe.

Attention, un logement inoccupé et non meublé peut faire l'objet de la taxe sur les logements vacants. L'exigibilité de cette taxe dépend de sa localisation et des règlementations locales. La taxe d'habitation se métamorphoserait donc telle une hydre. 

La suppression progressive de la taxe d'habitation aura pu susciter d'autres espoirs. Soit vous faites partie des 80% de français pour qui elle a déjà été supprimée, soit vous appartenez aux 20% qui la paient encore. Ces derniers ont bénéficié d'un abattement de 30% cette année, 65% l'an prochain, la suppression totale sera effective en 2023. Par le passé, de nombreuses situations, familiales ou économiques, permettaient de bénéficier d'une exonération sur la résidence principale.

Si vous êtes redevable de l'IFI au titre de l'année précédant celle de l'imposition, vous ne pourrez pas bénéficier d'un dégrèvement total en raison de vos revenus, vous êtes réputé faisant partie des 20% de français bénéficiant d'un dégrèvement progressif.

Seules les résidences principales sont concernées par cette suppression. Les propriétaires de résidences secondaires restent donc soumis à la taxe d'habitation. Espérons que l'hydre ne réapparaîtra pas sur les taxes foncières, espérons... 

Ainsi, la réponse à la question aguicheuse titrant ce billet aura certainement suscité de l'espoir avant de nous ramener à la réalité. Les dispositifs permettant un dégrèvement d'impôts locaux sont rares et leurs conditions d'application strictes. Les dispositifs supprimés pour tous le sont en réalité plus pour certains que pour d'autres. Échapper aux impôts locaux : non ! Mais l'espoir est là.


Alexandre Feuilleuse
Ingénieur Patrimonial
Rédigé le 23 novembre 2021